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Transmettre C.L.A.I.R. ement

un nouveau modèle pour vos communications terrain

Quand chaque mot compte et que la clarté peut faire la différence entre la vie et la mort

Il est 14h30. Vous êtes à 80 kilomètres du plus proche centre hospitalier, dans une vallée où le signal cellulaire ne passe qu'en haut de la crête. Un membre de votre équipe vient de faire une chute impressionnante. Fracture ouverte probable, état de conscience variable. La radio grésille... vous avez peut-être une minute pour transmettre l'information avant de perdre le contact.

Que dites-vous en premier ? Comment organisez-vous vos pensées quand l'adrénaline monte et que le temps presse ?

Plus qu'un simple appel radio

En milieu isolé, une transmission n'est jamais qu'un moment ponctuel. C'est un processus qui évolue, depuis le premier appel de détresse jusqu'au transfert final des responsabilités. L'information que vous transmettez devient le lien vital entre votre patient et les soins avancés qu'il pourrait recevoir.

Cette information voyage. Elle passe du secouriste au coordonnateur médical, du pilote d'hélicoptère au paramédic, du médecin de télémédecine à l'équipe d'urgence. À chaque étape, sa qualité détermine la qualité des décisions qui suivent.

Le problème ? Nos interlocuteurs ne parlent pas tous le même langage. Le pilote veut connaître l'accessibilité du site et les conditions météo. Le médecin s'intéresse aux signes vitaux et aux symptômes. Le coordonnateur d'évacuation a besoin de savoir quel type de transport privilégier et dans quel délai.

Les modèles existants : utiles, mais...

Plusieurs outils structurent déjà les transmissions médicales. Le modèle SBAR (Situation-Background-Assessment-Recommendation) fait référence en milieu hospitalier. MIST et ATMIST sont populaires chez les ambulanciers. ETHANE guide les interventions à victimes multiples.

Ces modèles ont fait leurs preuves dans leurs contextes respectifs. Mais après des années à former des guides, des travailleurs forestiers, des équipes de recherche et sauvetage, une constatation s'impose : il fallait quelque chose de plus adapté aux réalités du terrain isolé.

Plus simple à mémoriser sous stress. Plus flexible selon l'interlocuteur. Plus intuitif pour ceux qui n'ont pas nécessairement une formation médicale poussée.

 Le modèle C.L.A.I.R.

Chez SIRIUSMEDx, nous avons développé un modèle pensé spécifiquement pour les interventions en milieu isolé. Cinq lettres, cinq étapes logiques, une progression naturelle de l'information :

Ce modèle vous invite à toujours transmettre les informations dans un ordre logique, simple à mémoriser, avec 5 éléments essentiels :

C.L.A.I.R.

Objectif terrain

C

Contexte

Qui ? Quoi ? Quand ? Décrire la situation et le patient de même que tout antécédent pertinent.                                                                                                                

L

Lieu

Où ? Accessibilité ? Conditions météo ou environnementales

A

Analyse 

Appréciation de l'état du patient : signes vitaux, éléments importants de l’examen physique, symptômes, état de conscience

I

Interventions

Ce qui a été fait : soins, médicaments, immobilisation, etc.

R

Requête

Ce que vous demandez ou recommandez : évacuation, suivi, conseils

En pratique

Prenons un exemple concret. Vous accompagnez un groupe en randonnée lorsqu'un participant de 55 ans s'effondre soudainement, se plaignant d'une douleur thoracique intense qui irradie vers le bras gauche.

Version désorganisée (malheureusement trop courante) : "Allô ? On a un problème ici ! Il y a quelqu'un qui a mal au cœur je pense... Ça fait mal depuis tout à l'heure... On est quelque part sur le sentier... Il faut faire quelque chose !"

Version C.L.A.I.R. :Contexte : Homme 55 ans, douleur thoracique subite irradiant au bras gauche depuis 20 minutes pendant une montée.

Lieu : Sentier du Mont-Albert, kilomètre 8, accès possible en VTT, météo stable.

Analyse  : Conscient, pâle, diaphorétique, pouls 90 faible, TA non prise, douleur 8/10.

Interventions : Repos complet, position demi-assise, aspirine donnée si pas d'allergie.

Requête : Évacuation prioritaire recommandée, suspicion de syndrome coronarien aigu."


La différence est évidente. Dans le premier cas, l'interlocuteur doit poser une série de questions pour reconstituer l'information. Dans le second, il dispose immédiatement des éléments nécessaires pour prendre une décision.

Un modèle, plusieurs langages

L'un des avantages du modèle C.L.A.I.R., c'est sa capacité d'adaptation selon l'interlocuteur. Face à un pilote, vous insisterez sur le "L" (lieu et accessibilité). Avec un médecin, l'accent portera sur l'"A" (Analyse-appréciation clinique). Pour un coordinateur, la "R" (requête) prendra plus d'importance.

Mais la structure reste la même. L'information suit toujours le même cheminement logique, ce qui facilite la mémorisation sous stress et assure qu'aucun élément essentiel ne soit oublié.

Préparez-vous avant de parler

Voici une réalité que connaissent bien nos collègues SAR-TECH et les équipes de recherche et sauvetage : lors de leurs évaluations semestrielles, un critère spécifique évalue la qualité des communications. Pourquoi ? Parce que trop souvent, même des intervenants expérimentés échouent à transmettre une information claire.

Le problème n’est pas toujours technique. C’est souvent une question de préparation mentale.

Dans l’urgence, le réflexe est de saisir la radio immédiatement et de parler. Résultat : des transmissions décousues, des informations dans le désordre, parfois même incompréhensibles pour l’interlocuteur.

Quelques secondes de préparation changent tout :

  • Respirez une fois, profondément. Cela paraît évident, mais l’adrénaline nous fait souvent oublier cette étape fondamentale. Une respiration contrôlée ralentit le rythme cardiaque et stabilise la voix.
  • Organisez mentalement vos cinq points C.L.A.I.R. Avant d’appuyer sur le bouton, passez rapidement en revue : Contexte, Lieu, Analyse, Interventions, Requête. Vous n’avez pas toutes les réponses ? Identifiez ce que vous savez avec certitude.
  • Adaptez votre ton. Clair, calme, posé. Une voix essoufflée ou paniquée nuit à la compréhension et transmet un stress inutile à votre interlocuteur. Le médecin de garde à 3h du matin a besoin d’informations, pas d’émotions.

Cette préparation n’est pas une perte de temps. Dans les situations critiques, ces quelques secondes investies en amont permettent une transmission plus efficace, des décisions plus rapides, et ultimement de meilleurs soins pour le patient.

Plus qu'un acronyme

Développer un nouveau modèle de transmission, c'est bien. Mais l'enjeu dépasse le simple outil mnémotechnique. C'est une question de culture de communication.

En milieu isolé, nous ne disposons pas du luxe des transmissions longues et détaillées. Nous devons aller à l'essentiel, structurer nos pensées rapidement, adapter notre langage selon le contexte. Le modèle C.L.A.I.R. nous y aide, mais il ne remplace pas la pratique régulière, les simulations réalistes et les débriefings constructifs.

L'oublié des formations

Soyons honnêtes : dans nos formations, qu'est-ce qui captive le plus les participants ? Fabriquer une attelle avec des branches et du duct tape. Poser un garrot d'urgence. Fermer une plaie. Ces gestes ont quelque chose de concret, de spectaculaire même. On voit, on touche, on mesure le résultat.

La transmission ? Moins glamour. Pourtant, combien de fois avons-nous vu des secouristes parfaitement capables de gérer une fracture complexe se transformer en bègues inaudibles dès qu'ils ont une radio entre les mains ?

Il faut reconnaître une réalité : nous négligeons trop souvent cette compétence dans nos formations. On l'aborde en fin de scénario, rapidement, presque comme une formalité. "Bon, maintenant appelez les secours et dites-leur ce qui se passe." Fin de l'exercice.

C'est une erreur. Sur le terrain, la transmission détermine souvent la suite des événements. Le pilote acceptera-t-il de décoller par ce temps ? Le médecin conseil autorisera-t-il l'évacuation ? L'équipe de sauvetage comprendra-t-elle où vous situer exactement ?

Intégrer C.L.A.I.R. dans toutes nos simulations

Chaque scénario de formation devrait inclure une composante transmission. Pas comme un exercice séparé, mais comme une partie intégrante de l'intervention. Radio en main, Fiche SEP sur le genou, debout, sous pression.

  • Pendant l'évaluation primaire : transmission du contexte et de la localisation
  • Après les premiers soins : mise à jour sur l'état du patient et les interventions réalisées
  • Au moment critique : demande d'évacuation ou de conseils spécialisés

Il faut créer cette habitude, cette automatisation. Que nos participants sortent de formation en pensant naturellement : "Qu'est-ce que je vais dire ? Comment vais-je le dire ? À qui vais-je le dire?"

Et surtout, il faut corriger. En débriefing, reprendre les transmissions floues, les informations manquantes, les formulations ambiguës. Avec la même rigueur qu'on apporte à critiquer un bandage mal posé ou une immobilisation mal ficelée.

Parce qu'au fond, bien transmettre, c'est déjà commencer à soigner. Et en milieu isolé, cette compétence peut faire toute la différence.

L’essentiel reste l’essentiel

Au final, C.L.A.I.R. n’a pas la prétention de révolutionner les communications médicales. Les modèles existants fonctionnent bien dans leurs contextes respectifs. Notre motivation était plus simple : créer un outil spécifiquement adapté aux non-professionnels de la santé qui interviennent en milieu isolé.

Guides, travailleurs forestiers, équipes de recherche et sauvetage, responsables d’expéditions… Ces intervenants ont besoin d’une méthode facile à mémoriser, intuitive à appliquer sous stress, et suffisamment flexible pour s’adapter à différents interlocuteurs.

Que vous adoptiez C.L.A.I.R. ou tout autre modèle importe peu. L’objectif reste le même : transmettre les informations essentielles dans un ordre logique, avec un langage clair, pour que tous les intervenants comprennent rapidement les enjeux et prennent les bonnes décisions.

Car c’est là l’essentiel : que l’information circule efficacement pour améliorer la prise en charge du patient.

À retenir

  • Une transmission structurée est aussi importante que les gestes de premiers soins
  • Le modèle C.L.A.I.R. s'adapte à tous les contextes d'intervention en milieu isolé
  • La pratique régulière et les simulations sont essentielles pour maîtriser l'outil
  • Chaque interlocuteur a ses priorités : adaptez votre communication sans perdre la structure

La prochaine fois que vous vous retrouverez radio à la main, dans une situation qui exige des secours, pensez C.L.A.I.R. Cette structure pourrait bien faire la différence.

 

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