Ceinture pelvienne en milieu isolé : poser tôt, poser bien | SIRIUSMEDx

Ceinture pelvienne en milieu isolé : poser tôt, poser bien

Introduction

La ceinture pelvienne est un outil de stabilisation simple, compact, et potentiellement vital dans les cas de fracture instable du bassin. Autrefois réservée aux milieux hospitaliers ou aux équipes médicales avancées, son usage est désormais reconnu comme une intervention clé à poser précocement, notamment en milieux isolés. Comme ce fut le cas avec le garrot tourniquet, il est temps de revoir nos pratiques : démocratiser l’usage de la ceinture pelvienne — oui, mais avec rigueur, formation et bon jugement.   

1. Un cadre réglementaire encore trop restrictif 

Au Québec, les paramédics ne sont pas autorisés à poser une ceinture pelvienne, et encore moins les intervenants non médicaux. Cette approche conservatrice, bien que justifiée par des préoccupations de sécurité, freine l’évolution des pratiques. Ailleurs au Canada, certaines provinces ont déjà intégré cette compétence dans le champ d'action des paramédics formés, sous supervision médicale. Sur le terrain, des organisations comme la Canadian Ski Patrol reconnaissent cette compétence dans leur plan qualité, bien qu'elle reste conditionnelle au cadre réglementaire local. 

2. L’urgence d’une intervention précoce 

Les recommandations de l’ATLS et du CoTCCC insistent sur une chose : c’est dans les premières minutes que la ceinture pelvienne est la plus utile. Elle permet de réduire le volume pelvien, limiter l’hémorragie interne et gagner du temps en attendant l’évacuation ou l’intervention chirurgicale. Attendre une imagerie ou l’arrivée d’un médecin, dans un contexte reculé, équivaut trop souvent à perdre un temps précieux. Une ceinture bien posée n’aggrave pas l’état du patient. Une ceinture mal posée, oui. 

3. Comprendre – Reconnaître – Agir 

Savoir utiliser une ceinture pelvienne, ce n’est pas appliquer un protocole de façon aveugle. C’est comprendre ce qu’elle fait, reconnaître quand elle est indiquée, et agir de façon adaptée à son niveau de compétence. 

Comprendre :  
  • Réduire le volume pelvien élargi par la fracture instable 
  • Limiter l’hémorragie potentiellement massive (jusqu’à plusieurs litres) 
  • Stabiliser les fragments osseux et diminuer la douleur 
  • Gagner du temps avant la chirurgie ou l’embolisation 
Reconnaître :  

Indications (toutes doivent être liées à un traumatisme à haute énergie) 

  • Chute > 3 m, collision à haute vitesse, écrasement, explosion 
  • Douleur pelvienne notable à une pression légère : ne pas insister, car toute palpation vigoureuse pourrait déstabiliser davantage le bassin. 
  • Hématome périnéal / scrotal / vaginal ou saignement urétral 
  • Signes de choc inexpliqué en contexte de traumatisme à haute vélocité (TA basse, tachycardie, peau froide) 
Agir :  
  • Centrer la ceinture sur les grands trochanters – jamais sur la taille 
  • Glisser la ceinture sous le patient avec mobilisation minimale 
  • Serrer fermement jusqu’à stabilisation et ne pas desserrer 
  • Immobiliser les jambes ensemble pour limiter la rotation 

Savoir s’abstenir : Dans certaines situations, la pose d’une ceinture pelvienne n’est pas justifiée, même si la tentation est forte de l’utiliser “par sécurité”. Par exemple :     

  • Une présentation évocatrice de fracture de hanche (rotation externe, raccourcissement) 
  • Un traumatisme sans mécanisme de haute énergie ni douleur pelvienne 
  • Une chute de sa hauteur chez une personne âgée stable avec douleur isolée à la symphyse pubienne 

Dans ces cas, la ceinture ne stabilisera rien, n’améliorera pas le confort du patient, et pourrait même masquer des signes utiles au diagnostic ou retarder le transport. 

4. Former pour déléguer avec confiance 

Comme pour le garrot tourniquet, il est temps d’élargir l’accès à la ceinture pelvienne aux intervenants de première ligne. Mais cela exige un effort sérieux en formation : simulations, pratique encadrée, raisonnement clinique, compréhension du contexte. La compétence ne vient pas avec un diplôme, elle vient avec l’entraînement, la supervision, et la répétition. Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut faire confiance aux intervenants pour poser ce geste au bon moment. 

Conclusion 

La ceinture pelvienne est un outil de sauvetage simple, mais puissant. Dans un contexte de traumatisme majeur, elle représente une intervention primaire essentielle lorsqu’indiquée   — en stabilisant un bassin instable, en limitant l’hémorragie, et en permettant au patient d’arriver vivant à l’hôpital. 

Même lorsqu’elle s’avère non nécessaire au final, une ceinture bien positionnée et posée sur la base d’indications cliniques valables ne causera généralement aucun tort important — si ce n’est un léger délai dans la préparation au transport. Le véritable danger réside dans une pose inadéquate — trop haute, inefficace, voire nuisible — ou pire encore, dans l’absence de pose lorsqu’elle était pourtant indiquée. Dans ces cas-là, le coût clinique peut être grave… voire fatal. 

Pas dans un hôpital. Sur le terrain. Là où chaque minute compte. 

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Ceinture pelvienne en milieu isolé : poser tôt, poser bien
SIRIUSMEDx, Marc Gosselin 21 avril 2025
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